
Extrait de “Dictionnaire de neuropsychanalyse
" de Serafino Malaguarnera, 12 octobre 2016, pp. 105-106.
Allemand : Gegenübertragung – Anglais : Counter-transference.
La notion de contre-transfert se réfère à l’influence du patient et, plus particulièrement, du transfert de celui-ci qu’il exerce sur les sentiments inconscients de son analyste. La contrainte pour l’analyste de se soumettre à une analyse personnelle a été instituée pour réduire le plus possible les manifestations contre-transférentielles. Daniel Lagache (1964) propose d’étendre la présence du contre-transfert aussi chez l’analysé, lequel manifeste également des réactions au transfert de l’analyste. Ainsi, le champ analytique met en place une relation où la complexité de celle-ci se traduit par un mouvement transférentiel et contre-transférentiel entre analysé et analyste. Le contre-transfert est une notion psychanalytique qui a constitué un point de rupture entre psychanalystes d’orientation lacanienne et d’autres orientations. Les premiers, qui se réfèrent à Lacan, soutiennent l’idée que le contre-transfert est une notion impropre qui doit être remplacée par celle de désir de l’analyste (Lacan, 1960-1961). Pour les autres psychanalystes, cette notion devient avec le transfert un pivot central de la cure où se déplacent les mouvements inconscients de l’analysant et l’analyste.
L’extension de la psychanalyse à de nouveaux tableaux psychopathologiques (analyse des enfants, des psychotiques, des borderline) a réintroduit l’importance de la notion théorique de contre-transfert, car les réactions inconscientes de l’analyste sont plus sollicitées dans ces problématiques.
----------------------------------------------
Plus récemment, l’attention s’est à nouveau focalisée sur le contre-transfert en réponse à l’intérêt que les psychanalystes ont porté sur le traumatisme où il y a une nécessité à prendre en compte un événement extérieur dans le processus analytique. Dans le domaine des patients cérébrolésés, où les troubles sont provoqués par un événement extérieur, Lisa Ouss-Ryngaert (2007) souligne l’importance de la clinique du contre-transfert comme paradigme d’une double lecture qui prend en compte l’impact des neurosciences sur la prise en charge psychanalytique des patients cérébrolésés. Dans une optique de double lecture, aux différents aspects habituels qui composent le contre-transfert (ce qui appartient à l’analyste, sa réponse à l’investissement pulsionnel du patient, sa propre associativité) il faut ajouter un nouvel aspect concernant la part de réalité due à l’événement externe (Dalenberg, 2000). Cette part de réalité est constituée par l’atteinte des processus cognitifs des patients et, plus particulièrement, par des interruptions de la pensée et du discours, un manque de flexibilité, un manque de cohérence, un traitement séquentiel de l’information qui se répercutent sur l’associativité du psychanalyste.
Dans une perspective neuropsychanalytique, les neurones miroirs sont évoqués pour la compréhension du contre-transfert. Ces neurones sont activés chez le patient pour la compréhension de l’esprit d’autrui et ils entraînent chez le psychanalyste des actions et des expressions émotionnelles qui deviennent une importante source d’informations concernant le monde interne du patient et le processus transféro-contre-transférentiel. Ainsi, les neurones miroirs activent ce processus transféro-contre-transférentiel qui forme la base de l’interaction psychique entre l’analyste et le sujet que Daniel Widlöcher a décrite comme un processus de co-pensée.
Jeanine Vivona (2009) propose un regard critique envers cette démarche qui consiste à mettre en relation les neurones miroirs avec le contre-transfert, car il y aurait un rapprochement trop hâtif entre deux notions issues de deux champs différents, or les neurosciences et la psychanalyse n’ont pas le même objet.
________________
Bibliographie :
Dalenberg C.J. (2000), Countertranference and the Treatment of Trauma, Washington, D.C.: American Psychological Association.
Lacan J. (1960-1961), Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert, Le Seuil, 1991.
Lagache D. (1964), La méthode psychanalytique, in : Michaux (L.) et coll., Psychiatrie, 1036-66.
Laplanche J., Pontalis J.-B. (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, PUF.
Ouss-Ryngaert L. (2007), Impact des neurosciences sur la pratique psychanalytique : la double lecture comme clinique neuropsychanalytique, Revue française de psychanalyse 2/2007 (Vol. 71), p. 419-436.URL:www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2007-2-page-419.htm
Vivona J. M. (2009), Leaping from brain to mind : A critique of mirror neuron explanation of countertransference, Journal of the American Psychoanalytic Association, 57,525-550.
Compléments :
Lisa Ouss-Ryngaert, Neurones miroirs