Serafino Malaguarnera - Psychologue, Psychanalyste, Psychothérapeute à Bruxelles

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Anosognosie


Extrait de “
Dictionnaire de neuropsychanalyse" de Serafino Malaguarnera, 12 octobre 2016, pp. 33-35.

Anglais : Anosognosia
 
Le terme anosognosie (1) a été décrit pour la première fois par Joseph Babinski (1914) pour désigner l’absence de conscience ou le déni de l’hémiplégie. Depuis, sa signification s’est élargie et à présent, le terme anosognosie désigne la méconnaissance de la part d’un patient de son déficit. L’anosognosie se rencontre dans de nombreux troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral [AVC], démence, etc.).                                                                                                     
La plupart des théories, qui sont multiples, se réfèrent à l’anosognosie de l’hémiplégie. Les théories peuvent être regroupées en théories modulaires, qui mettent en correspondance un processus cérébral avec des mécanismes spécifiques de surveillance, et unitaires, qui ne proposent aucune correspondance entre processus cérébral et mécanismes spécifiques. Cependant, cette séparation ne tiendrait pas compte des points en commun entre les deux théories (Viader, 2008).                                                                                                                                                                                                                                                                                                     --------------------------------------------

Les théories explicatives de l’anosognosie avec une orientation psychanalytique rentrent parmi les théories unitaires. Parmi les premières théories qui sont unitaires, nous avons celle de Weinstein et Kahn (1955) et leur école qui proposent de considérer l’anosognosie comme une réaction psychologique d’adaptation qui permet de construire une image cohérente de soi et de préserver l’unité de l’idéale du Moi. 
                                                                                                                               
Kaplan-Solms et Mark Solms reprennent le cas Madame M. étudié par Ramachandran (3) pour proposer une relation entre l’anosognosie et le refoulement. Cette patiente souffrait d’une grave négligence spatiale unilatérale, qui porte à négliger le côté gauche de son corps et son environnement, et une profonde anosognosie provoquée par un accident vasculaire cérébral de la région pariéto-occipitale de l’hémisphère droit. Lors d’une séance de réhabilitation, Ramachandran lui verse un peu d’eau froide dans l’oreille gauche, et quand il lui demande si elle peut lever le bras gauche, Madame M. reconnaît sa paralysie et elle dit qu’elle en est affectée depuis tout un temps, alors que jusqu’à ce moment elle avait nié avec insistance son impossibilité à bouger son bras expliqué comme un manque d’envie de le bouger. L’eau froide versée dans l’oreille rétablit momentanément l’équilibre entre les hémisphères qui souffrent d’une altération de l’excitabilité provoquant une dissociation de l’expérience. Ce cas montre bien que la mémoire peut subir d’une manière sélective le refoulement et que l’information concernant la paralysie est toujours transmise au cerveau. En termes psychanalytiques, cette information reste inconsciente, car le Moi conscient n’accepte pas la réalité clinique qui serait une source de souffrance. Kaplan-Solms et Mark Solms proposent parallèlement une autre interprétation psychanalytique qui considère l’anosognosie comme une régression vers le narcissisme primaire. En effet, la région pariéto-occipitale de l’hémisphère droit est concernée dans l’intégration des données sur notre corps et soi-même et notre environnement. Lorsque cette partie du cerveau est endommagée, comme chez Madame M., il y a un investissement narcissique qui s’intensifie et la personne évite tout aspect frustrant qui pourraient compromettre son narcissisme. Cela entraîne un échec du déroulement du processus normal de deuil permettant l’acceptation de la paralysie et un refoulement de sa propre condition clinique qui nuit à sa propre image. La réhabilitation serait alors d’amener le patient à désinvestir le narcissisme tant du côté des fantaisies que de l’omnipotence narcissique (Solms K., Solms M., 2000). Oliver Sacks évite de s’engager à un rapprochement avec le refoulement, et préfère s’en tenir à un mécanisme de suppression, plutôt que de refoulement (Sacks, 2000).                                 
Oliver Turnbull conçoit également l’anosognosie comme une défense, et plus précisément comme une défense contre l’incapacité à faire face aux débordements émotionnels que provoquerait la prise de conscience par le patient de sa condition. Cette incapacité à tolérer de fortes émotions serait une conséquence de la lésion au niveau d’un centre régulateur de l’émotion, lésion qui est en cause dans l’apprentissage émotionnel, notamment la capacité à inhiber l’exécution effective de l’imagination mentale de l’action lorsqu’il faut choisir un scénario parmi plusieurs scénarios (Turnbull, 2005a). Oliver Turnbull et ses collaborateurs analysent les capacités de cet apprentissage émotionnel à travers le test Iowa Gambling Task (4)  (Turnbull, 2005b).                                                                                                                       
Catherine Morin, neurologue et psychanalyste (5), avance des critiques envers ces théories qui proposent de concevoir l’anosognosie comme une défense plutôt qu’une pathologie neurologique. Ces théories reposeraient sur des interprétations de la psychologie normale, car l’attitude à nier un handicap invalidant dépasse le seul cadre de cette problématique, et ne tiendraient pas compte de la présence régulière de troubles du schéma corporel et des discours irrationnels sur le corps paralysé qui évoquerait plutôt une problématique de l’image du corps. Catherine Morin défend l’hypothèse que l’anosognosie serait bien une pathologie neurologique, mais concernant de l’image du corps dans les termes que la psychanalyse nous la décrit et dans ses rapports avec la représentation de soi (Morin et Pradat-Diehl, 2008). Ramachandran (2011) évoque les mécanismes de défense décrits par Freud pour expliquer l’anosognosie, ainsi que d’autres phénomènes comme, par exemple, le membre fantôme (6).                                                                                                                                              
________________

1. Le terme « anosognosie » est issu du grec nosos, « maladie » et gnosis, « connaissance ». L’ajout du préfixe a — privatif donne la signification suivante : absence de conscience de la maladie.                                                                                                                                  
2. Voir : Mécanismes de défense                                                                                                                             
3. Le « Iowa Gambling Task » a été complété par Bechara et collègues en 1994.                                            
5. Catherine Morin est aussi membre de la Société de neuropsychanalyse.                                                         
6. Voir : Mécanismes de défense

Bibliographie :                                                                                                                                  
Babinski J. (1914), Contribution à l’étude des troubles mentaux dans l’hémiplégie organique cérébrale (anosognosie)Revue Neurologique, 27, 845-848.                                Fotopoulou A., Tsakiris M., Haggard P., Vagopoulou  A., Rudd A., Kopelman M. (2008), The role of motor intention in motor awareness: an experimental study on anosognosia for hemiplegia, Brain, 131(12), 3432-3442.                                                                                                                                               
Lechevalier B., Eustache F., Viader F. (2008), Traité de neuropsychologie clinique, De Boeck Supérieur.                                                                                                                                                            
Morin C., Pradat-Diehl P. (2008), Anosognosie de l’hémiplégie, personnification de la main paralysée et image du corps, La Lettre de médecine physique et de réadaptation, Juin 2008, Volume 24, Issue 2, pp. 77-80.                                                                                               
Sacks O., « Opening address », International Neuro-Psychoanalysis Congress Proceedings, vol. 1, Londres, 2000, 2005, p. 1-9.                                                                                    
Solms K.K., Solms M. (2000), Neuropsicoanalisi. Un'introduzione clinica alla neuropsicologia del profondo, Cortina Raffaello, 2002.                                                                                                                             
Turnbull O.H., Owen V., Evans  C.E.Y. (2005), Negative emotions in anosognosia, Cortex 41, 67-75.                                                                                                                  
Turnbull O.H., Evans C.E.Y., Bunce A, Carzolio B., O’Connor J. (2005), Emotion-based learning and central executive resources: an investigation of intuition and the Iowa Gambling Task, Brain and Cognition, 57, 244-247.                                             Vansteelandt A. (2003), Dictionnaire de logopédie. Les troubles acquis du langage, des Gnosies et des praxies, Peeters Publishers.                                                                                                   
Weinstein, E.A., Kahn, R.L. (1955), Denial of Illness: Symbolic and Physiological Aspects, Springfield, IL: Charles C.Thomas.

Compléments :                                                                                                                                                      
Agnosie


 

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