Serafino Malaguarnera - Psychologue, Psychanalyste, Psychothérapeute à Bruxelles

Av. d'Itterbeek, 9 - 1070 Bruxelles - Av. Louise, 505  Ixelles


 
 




Compulsion de répétition

   

Allemand : Wiederhomungszwang — Anglais : Compulsion to repeat ou repetition compulsion

La compulsion de répétition est la tendance inconsciente qui pousse un individu à répéter certaines actions, ou situations antérieures, douloureuses ou destructrices. Cette tendance à détruire et à souffrir apporte à la fois une grande satisfaction à la fois un déplaisir, car le Moi perçoit une remontée des pulsions incompatibles avec la réalité. Freud introduit cette notion dans les chapitres trois et quatre de l’Au-delà du principe de plaisir (1920). Trois phénomènes l’ont amené à concevoir cette idée d’une compulsion de répétition : le jeu de la bobine, le phénomène de transfert et le traumatisme. Dans le jeu de la bobine, le départ et l’absence de la mère sont la source de déplaisir qui pousse l’enfant à jouer à ce jeu qui devient une source de plaisir ; dans le transfert, le patient répète et revit des situations affectives antérieures douloureuses ; dans les névroses de guerre, le sujet répète en rêve le trauma de guerre. Freud ajoute à ces phénomènes certaines expériences vécues chez des personnes non névrosées qui se répètent et qui sont interprétées comme le fruit du destin.  À ces données cliniques, Freud ajoutera plus tard, des évidences collectives, notamment le malaise dans la civilisation et la destruction de l’humain. Il conçoit la compulsion de répétition comme une composante universelle de la vie organique en général. À partir de cette notion, Freud revoit le principe de plaisir qui, suivant une certaine biologie de son époque, était basé sur l’idée d’une régulation homéostatique, notamment l’excès d’excitation introduit du déplaisir et la décharge de l’excitation produit du plaisir. À présent, Freud ajoute à ce principe, jusque là opposé seulement au principe de réalité, un au-delà du principe de plaisir, le principe de Nirvâna défini comme la tendance du psychisme à supprimer toute excitation. L’idée d’une régulation homéostatique propre au principe du plaisir ne permet plus de rendre pleinement compte des formations de l’inconscient qui révèlent plutôt un échec du principe du plaisir et, donc, de la régulation homéostatique.  
                                                                             ==================================                                              

En 1940, Lauwrence Kubie, en proposant un soubassement neurophysiologique des névroses à travers les circuits fermés réverbérants, donne une lecture cybernétique de la compulsion de répétition. Jacques Lacan (1) développe cette lecture cybernétique de la compulsion de répétition au cours du séminaire sur le Moi dans la théorie du Freud et dans la technique de la psychanalyse (Lacan, 1954-1955).                                                                                                                                             
Selon Robert Clyman (1991), la compulsion de répétition repose sur des procédures émotionnelles apprises dans l’enfance. Ces procédures sont automatiques et inadaptées, et elles sont difficiles à interrompre ou à modifier (2).                                                                                                                                                 
La théorie des marqueurs somatiques d’Antonio Damasio (1994) a été rapprochée à la notion freudienne classique de compulsion de répétition (Greatrex, 2002).                                                                                                     
En intégrant les nouvelles données de la neurobiologie, François Ansermet et Pierre Magistretti (2010) proposent une explication de la coexistence du plaisir et du déplaisir, aspect énigmatique propre aux comportements humains, et la tendance à répéter des actes qui nuisent à la personne qui les accomplit. Ils reprennent ainsi deux notions freudiennes à la lumière des neurosciences, notamment la pulsion de mort qui traduit l’échec du principe du plaisir et la compulsion de répétition. François Ansermet et Pierre Magistretti nous montrent que ces notions freudiennes se retrouvent actuellement au cœur de la biologie, notamment dans les processus opposants développés par Georges Koob et Michel Le Moal, et que les nouvelles données neurobiologiques qui expliquent les phénomènes d’addiction permettent d’établir un pont entre la compulsion de répétition et les neurosciences. Avant tout, ces auteurs développent, dans le cadre de la psychanalyse, la notion freudienne de compulsion de répétition qui amène l’être humain à répéter des scénarios et à ressentir de l’insatisfaction et du déplaisir, et ils présentent des exemples qui illustrent les paradoxes de la coexistence du plaisir et du déplaisir. Ensuite, ils développent l’hypothèse selon laquelle ce qui pousse une personne à agir contre son bonheur contiendrait les mêmes mécanismes que chez le toxicomane qui consomme sa drogue. Il y aurait ainsi une similitude entre la compulsion de répétition et le processus d’addiction et de dépendance aux drogues. Par exemple, le comportement d’une personne qui s’achète régulièrement le énième vêtement, même si cela compromet sa situation financière et qu’elle n’en a pas besoin, est semblable à un comportement addictif. Ces dernières années, les neurobiologistes Georges Koob et Michel Le Moal ont analysé les mécanismes de dépendance aux drogues en prenant en compte la théorie des processus opposants selon laquelle les systèmes de récompense et d’anti-récompense se mettent en marche simultanément. Chez les personnes dépendantes aux drogues, l’activation simultanée des systèmes de récompense et d’anti-récompense provoque deux effets : l’état de tolérance, car l’effet des systèmes de récompense diminue avec le temps, et un état de dépendance, parce que les systèmes d’anti-récompense sont activés et poussent à reprendre de la drogue pour tenter de retrouver les effets hédoniques. La diminution de l’efficacité des systèmes de récompense provoque une augmentation de l’efficacité des systèmes d’anti-récompense. Progressivement, la diminution des effets hédoniques et l’augmentation des effets désagréables poussent le sujet à augmenter régulièrement la quantité de substance absorbée pour arriver à un effet hédonique et reprendre la substance non pas pour avoir du plaisir, mais pour limiter le déplaisir. L’instauration d’un tel cercle vicieux transforme une prise impulsive de drogue en quête d’effets positifs, hédoniques, à une prise compulsive de drogue pour éviter les états somatiques négatifs. François Ansermet et Pierre Magistretti retrouvent certains concepts fondamentaux de la psychanalyse dans cette théorie des processus opposants qui éclaircit les mécanismes d’addiction. Il suffit en effet de remplacer les termes impulsion par pulsion, systèmes de récompense par plaisir et systèmes d’antirécompense par déplaisir pour retrouver les deux termes de pulsion et de compulsion propres à la psychanalyse. Ainsi, les avancées récentes des neurosciences concernant l’existence de deux grands systèmes neuronaux et neuroendocriniens impliqués dans la récompense et dans l’antirécompense offrent un éclairage théorique dans le cadre de l’addiction, et il nous ramène également à des concepts clefs de la psychanalyse. L’existence de ces deux grands systèmes indiquerait alors, en termes psychanalytiques, que lorsque la pulsion aboutit à la décharge de l’excitation, et donc du plaisir, elle active simultanément deux systèmes : un système endogène de récompense, notamment le système dopaminergique, et le système anti-récompense qui obéirait à un principe de déplaisir. Sous l’effet de mécanismes d’adaptation à long terme, tels qu’ils se retrouvent dans le contexte de l’addiction, au fur et à mesure que la pulsion reposant sur son scénario fantasmatique se décharge, le plaisir diminue — le système de récompense devient moins opérant — alors que le déplaisir augmente — l’efficacité du système d’antirécompense s’accroît. La décharge de la pulsion produisant de moins en moins de plaisir et de plus en plus de déplaisir provoquerait l’émergence d’une compulsion de répétition. Plus précisément, la décharge provoquerait le passage d’un système où la pulsion pousserait au plaisir à un système où la compulsion pousserait à la répétition d’un scénario fantasmatique dans le but d’activer un système de récompense de moins en moins opérant malgré le déplaisir provoqué par des actes supposés activer le système de plaisir. François Ansermet et Pierre Magistretti retrouvent ainsi dans ce modèle explicatif l’idée freudienne d’un système au-delà du principe de plaisir, comme s’il existait un principe d’antiplaisir.                                                                                                                               
Denise K. Shull (2003) propose une hypothèse sur la façon dont les processus de développement et fonctionnement neurologique pourraient être à base de la compulsion de répétition de Freud. Pour développer cette hypothèse, elle s’appuie sur les travaux d’Allan Schore concernant le développement neurologique infantile en lien avec la mère et ceux de Joseph LeDoux concernant la peur et la mémoire émotionnelle implicite. Les recherches des dix dernières années concernant l’amygdale indiquent qu’elle est au cœur de l’inconscient des émotions et des comportements sociaux. Les travaux de Allan Schore (1994, 2003) montrent que les parties de l’amygdale connaissent une période critique de croissance pendant le dernier trimestre avant la naissance et pendant les deux premiers mois de la vie. La croissance importante du cerveau pendant la première enfance a une grande influence sur le placement des synapses, la fixation des souvenirs émotionnels à partir desquels se créent des filtres qui auront une influence sur le développement ultérieur en termes d’apprentissage, de perception et de comportement.  Selon Denise K. Shull, ceci peut nous amener à penser que l’amygdale puisse occuper une position centrale dans la mise en place de la répétition et la contrainte qui lui serait associée. L’amygdale est le siège de la mémoire émotionnelle et elle est aussi impliquée dans ce que les neurosciences appellent la mémoire implicite où se déposent les expériences de la prime enfance et les scénarios traumatiques. Selon Joseph LeDoux, les souvenirs implicites se manifestent dans la façon dont nous agissons plutôt que dans ce que nous savons lorsque nous agissons. Ce chercheur soutient l’hypothèse que certains souvenirs émotionnels sous-corticaux ne s’effacent pas et que les stimuli qui sont associés à ces souvenirs entraînent la même réponse sans avoir été renforcés. Malgré le temps écoulé, ces souvenirs peuvent se manifester suite à une émotion stimulus en provoquant le même résultat dans notre façon d’agir sans que nous soyons conscients de leurs contenus. À partir de ces différents travaux, Denise K. Shull soutient l’idée que les premières expériences influencent le placement des synapses et l’étalonnage des neurocommunicateurs pour fixer des souvenirs émotionnels. Lorsque des expériences vécues par un sujet mettent en résonance certaines expériences déposées dans la mémoire émotionnelle, l’hémisphère droit est informé de l’évaluation amygdalienne par des neurotransmetteurs, notamment la dopamine, la noradrénaline et l’ocytocine. Ces neurotransmetteurs envoient leurs messages à travers des synapses préférées et contraignent le sujet à répéter certains comportements sans être conscient, car cette opération d’information se réalise trop rapidement pour être perçue. La compulsion de répétition proviendrait alors de ce circuit neuronal entre l’amygdale et le cerveau droit qui pousserait le sujet à répéter inconsciemment des situations qui reflèteraient des expériences de la vie du passé.                                                                                      
________________

1. Lacan était à connaissance des travaux de Lauwrence Kubie, mais il ne le cite pas dans son séminaire sur le Moi.                                                                                                         
2. Voir : Mémoire procédurale

Bibliographie :                                                                                                                                    
Ansermet F., Magistretti P. (2010), Les énigmes du plaisir, Odile Jacob.                               
Damasio A. R. (1994), L’Erreur de Descartes : la raison des émotions, Odile Jacob, 1995.   Greatrex T.(2002), Projective Identification: How does it work? Neuro-Psychoanalysis, 4 (2) : 187-197, 2002.                                                                                                                           
Freud S. (1920), Au-delà du principe de plaisir, in : Essais de psychanalyse, Payot, 1988.  Shull D. K. (2003),  The Neurobiology of Freud’s Repetition Compulsion,  Annals of Modern Psychoanalysis, Vol. II, Number 1, 2003.                                                                
Lacan J. (1954-1955), Le Séminaire II, Le moi dans la théorie du Freud et dans la technique de la psychanalyse, Le Seuil, 1978.                                                                                                            
Schore A. N. (1994), Affect regulation and the origin of the self: the neurobiology of emotional development, Hillsdale NJ, Lawrence Erlbaum Associates.                   
Schore A. N. (2003), La régulation affective et la réparation du Soi, Les Éditions du CIG, 2008                                                                                                                                                              
Shull D. K. (2003),  The Neurobiology of Freud’s Repetition Compulsion,  Annals of Modern Psychoanalysis, Vol. II, Number 1, 2003.

Compléments :                                                                                                                                   
 

Addiction, Amygdale, Ansermet François, Dopamine, Homéostasie, Lauwrence Kubie, Magistretti Pierre, Marqueurs somatiques, Mémoire émotionnelle, Noradrénaline, Ocytocine, Principe de plaisir, Schore Allan


Catégories pouvant vous intéresser :

Autres publications pouvant vous intéresser :

Psilocybine

Anglais : Psilocybin   La psilocybine est un précurseur de la psilocine et le principal composant des champignons hallucinogènes.                                         &nb...

 

Psychodynamic Diagnostic Manual (PDM)

Le Psychodynamic Diagnostic Manual (PDM) est un manuel diagnostique d’orientation psychanalytique. Ce manuel se différencie du DSM pour la prise en compte à la fois des variations individuelles à la fois des points en communs. ________________ Bibliographie :&...

 

Psychoanalysis Neuroscience Study Group

En 1990, Arnold Pfeffer  fonde le Psychoanalysis Neuroscience Study Group  (groupe d’étude sur la psychanalyse et neurosciences) à la New York Psychoanalytic Institute (la NYPI). Au départ, ce groupe d’étude est un petit groupe composé d...

 

Binding problem

Extrait de “Dictionnaire de neuropsychanalyse" de Serafino Malaguarnera, 12 octobre 2016, pp. 62-63. Français : Problème du liage perceptif Le binding problem ou problème du liage perceptif est le problème de l’unification des différ...

 

Neurosciences affectives

Voir : Panksepp Jaak   ...

 
Vidéo : Nouveauté - Lacan et Pascal: La topologie de la jouissance











 
   
   Site sur la Neuropsychanalyse
   Site sur l'Univers Infantile
   Site sur Lacan

   Wikipédia
   Chaine Youtube

   Psychologue Bruxelles 
   Serafino Malaguarnera

   Cabinet privé
   Av. d'itterbeek, 9 - 1070 Bruxelles
   Av. Louise, 505 - 1050 Bruxelles
   
   
02/523.14.30 - 0472/622.580

   
Thérapie Bruxelles, Tarifs
   
   Itinéraire


   Prendre contact
 
 

 Thérapie individuelle
  • Enfants
  • Adolescents
  • Adultes
 Thérapie de couple

Consultations en italien
Infos générales

  Thérapie Bruxelles, Tarifs

  Itinéraire

  Prendre contact
  Psychologue Bruxelles - Serafino Malaguarnera

   Cabinet privé
   Av. d'itterbeek, 9 - 1070 Bruxelles
   Av. Louise, 505 - 1050 Bruxelles
   
   02/523.14.30 - 0472/622.580

    Psychologue Belgique

    Lepsychologue.be
    Psyi.be

    

                                                              Copyright © 2018 Psychologue Bruxelles. Serafino Malaguarnera